La formation de la Ligue belge du droit des femmes

En Belgique, le féminisme est déjà présent durant la deuxième moitié du XIXe siècle. Il se centre sur un projet éducatif : l’égalité intellectuelle est indissociable de l’égalité politique. Il ne concerne toutefois qu’une poignée de femmes intellectuelles et ne provoque pas un mouvement revendicatif efficace. Des femmes, comme Isabelle Gatti de Gamond à Bruxelles ou Léonie de Waha à Liège, profitent du soutien libéral à ce projet éducatif pour former des élites féminines. Au sein de celles-ci, seront recrutées durant la fin du XIXe siècle, les principales figures du féminisme de la première vague. A partir de 1878, une organisation de l’enseignement des filles est mise en place par l’État, ce qui entraîne la fondation d’écoles moyennes pour filles. Encourageant le rôle de la femme au foyer, l’enseignement ménager connaît toutefois toujours plus de succès que l’enseignement moyen. Si l’accès à la plupart des universités n’est plus interdit aux femmes, elles éprouvent de grandes difficultés à s’insérer dans les professions libérales après leur cursus.

L’affaire Popelin cristallise les revendications féministes et est à l’origine d’un mouvement féministe revendicatif en Belgique. Elève d’Isabelle Ganti, Marie Popelin est diplômée en 1888 à l’Université libre de Bruxelles et devient la première juriste de Belgique. En voulant s’inscrire au Barreau, elle fait face à l’opposition de la Cour d’Appel et de Cassation en raison de son sexe. Le « proto-féminisme » déjà existant se mue alors en mouvement revendicatif issu essentiellement de la bourgeoisie.

Marie Popelin fonde en 1892 la Ligue belge du droit des femmes. Cette Ligue se mobilise en faveur de l’égalité économique, de l’accès des femmes à toutes les professions et de l’égalité civile et politique. Elle n’a que peu d’impact sur l’opinion publique et son influence se fait par ses sympathisants siégeant au Parlement qui n’hésitent pas à en parler. Dans son sillage, plusieurs associations féministes naissent. Ce sont surtout des associations de bienfaisance luttant contre les "fléaux sociaux" tels que l’alcoolisme ou la prostitution, mais elles aideront les revendications féministes à gagner en visibilité. En 1897, un Congrès féministe international est organisé à Bruxelles, où des déléguées du Conseil international des femmes exhortent les femmes belges à se rassembler dans un organe de concertation national. Les bases en sont jetées en 1905 avec le Conseil national des femmes. Hormis le droit de vote et l’accès au Barreau des femmes, la Ligue enregistre une série de succès parlementaires qui améliorent la condition féminine : la réglementation du travail des femmes en usine ou encore la possibilité d’obtenir un salaire et de gérer l’épargne sans autorisation du mari. Le droit de vote pour les femmes ne devient une exigence prioritaire de la Ligue qu’en 1912, année du second Congrès féministe international avec la création de la Fédération belge pour le suffrage féminin.