L'accès à la vie politique

Si les femmes jouissent du droit de vote depuis le 27 mars 1948, ce n’est pas pour autant que le nombre de députées décolle. Durant les années 1950 et 1960, elles ne dépassent jamais 5% des effectifs totaux du Parlement belge. Les femmes sont certes un peu plus présentes sur les listes électorales des différents partis belges, mais elles sont fréquemment cantonnées à des positions peu intéressantes, hormis celles qui disposent d’un diplôme universitaire. En outre, la plupart sont choisies pour la réputation du nom de famille de leur conjoint ou simplement pour insuffler une image plus moderne.

Il existe également un mépris de la conscience politique féminine par les hommes. En effet, à l’époque, de nombreuses femmes ne connaissent pas suffisamment la scène politique belge et votent sans réellement être au courant des programmes des différents partis. Ce phénomène est interprété comme une caractéristique inhérente à la condition féminine par les milieux les plus conservateurs alors que dans la plupart des cas, les femmes n’ont simplement pas l’instruction et la formation nécessaires. Tandis que Marguerite De Riemacker-Legot est nommée le 28 juillet 1965 ministre de la Famille et du Logement sous le gouvernement Harmel, de nombreuses railleries émanent de la presse belge. Elle perd son poste en 1968, année où le nombre de femmes parlementaires est au plus bas depuis qu’elles votent.

« Les femmes ne s’intéressent pas à la politique. On s’en étonne. On devrait plutôt s’étonner de cet étonnement. Tout ce que la société leur demande, tout ce qu’on leur a appris, l’image qu’elles ont d’elles-mêmes et du monde les en éloigne. On pourrait écrire en paraphrasant un mot célèbre « on ne nait pas homme politique on le devient ». La politique jusqu’à présent ne faisait pas partie du devenir des femmes.

[…]

Les faits sont là. Les femmes ne font pas de politique. Ni au sens étroit du terme qui peut se définir comme la participation active à la direction de l’Etat par les canaux classiques des partis, des élections des chambres et de la formation du gouvernement. Ni au sens plus large, qui est la gestion du bien et du bien-être commun, ou sa transformation. Là aussi les femmes sont en minorité et en infériorité. Elles font partie de mille associations mais plus comme sociétaires et secrétaires qu’en qualité de leader et de présidente. Elles manifestent dans les rues souvent derrière des calicots et des banderolles mais en soldats qui suivent en général ou en militantes qui ne discutent pas un mot d’ordre. […] »

Extrait de AUBENAS J., « Les femmes et la politique »,
dans Les Cahiers du Grif, n°6: « Les femmes et la politique », 1975, p. 5-6

Dans la première moitié des années 1970, la seconde vague féministe s’inscrit dans le contexte d’une désillusion profonde. On assiste à un double phénomène : d’une part, oubliées par la politique, de nombreuses organisations militent en dehors des cadres institutionnels (Dolle Mina’s ou Marie Mineur, par exemple) ; d’autre part, des partis purement féminins voient le jour comme le PFU/VUP (Parti féministe unifié / Verenige Feministisch Partij) qui s’axe autour de la problématique de la condition féminine et des femmes en politique. Le parti se présente aux élections de 1974 mais n’obtient aucun siège.

Cependant, sur le plan politique, ces diverses initiatives et actions menées par les groupements féministes commencent à porter leurs fruits lors de la seconde moitié des années 1970. La remise en cause profonde des rapports entre hommes et femmes a eu pour effet de sensibiliser davantage l’opinion publique et les partis belges à la problématique de la représentation féminine en politique. Si le nombre de femmes au Parlement reste en-dessous des 10%, il a pratiquement triplé de 1971 à 1981. Sous cette pression accrue, le Parlement vote de nombreuses lois en matière d’égalité hommes-femmes. Elles concernent les biens matrimoniaux, la rémunération ou encore l’accès à l’emploi et à la formation. Alors que la seconde vague féministe touche à sa fin, un Comité Ministériel pour le Statut de la Femme est créé en 1980 en vue de l’établissement d’une égalité entre les genres. Si du chemin reste à parcourir, les femmes peuvent enfin nourrir de plus grandes ambitions politiques.

Évolution du nombre de femmes parlementaires par législature en Belgique (1946-1981)

Graphique sur l'évolution du nombre de femmes parlementaires