Une question de survie
En temps de guerre, la première préoccupation des civils est de survivre. Bien qu’ils ne se battent pas en premières lignes pour défendre le pays, ils subissent les désagréments de la guerre comme les bombardements allemands ou alliés. Ceux des Alliés sont d’ailleurs quotidiens durant l’occupation. Les axes ferroviaires, les champs d’aviation, les quartiers industriels et les lieux où se situe l’armée allemande sont les cibles principales des bombardements alliés
Face à ces bombardements, des défenses sont mises en place. La population, prévenue par le retentissement des sirènes, s’abrite dans des caves, des sous-sols ou encore des abris antiaériens. Toutefois, les risques d’asphyxie, d’ensevelissement ou de calcination sont présents. Les secours, les pompiers, la DAP (défense aérienne passive), des infirmières, ainsi que la solidarité entre voisins interviennent pour limiter la catastrophe. Néanmoins, les civiles restent des victimes collatérales de ces bombardements et payent un lourd tribut humain durant le conflit.
Pour ceux qui survivent, il faut affronter le deuil de leurs proches. Pour cela, des funérailles, collectives ou non, peuvent être organisées. Pour le bombardement du 7 septembre 1943 des communes bruxelloises d’Evere, Etterbeek et Ixelles, plusieurs cérémonies ont eu lieu. Le 10 septembre, après que les familles des victimes aient reconnu les corps, 120 victimes environ sont enterrées à Ixelles. La foule y est nombreuse.
Le 5 avril 1943, les ateliers de réparation d’avions allemands ERLA à Mortsel-Anvers sont la cible d'un bombardement allié. Celui-ci est le plus meurtrier de Belgique avec plus de 900 victimes, dont 200 écoliers*.
L’opinion publique considère dès lors que l’occupant est fautif : s’ils n’occupaient pas le pays, il n’y aurait jamais eu de bombardements de la part des Alliés. Ainsi, une des attitudes adoptées par la population belge pour condamner ces drames est de considérer les Allemands comme les seuls et uniques responsables. Cette vision concilie à la fois le deuil et l’espérance d’une défaite allemande.
En plus des pertes humaines, les bombardements causent aussi de nombreux dégâts matériels. L’endommagement des lignes ferroviaires et des trams empêche la bonne circulation sur les grandes lignes du pays. Des monuments patrimoniaux peuvent également être touchés comme la Collégiale Sainte-Gertrude de Nivelles. D’autres types de biens peuvent être dégradés. Par exemple, lors du bombardement du 24 décembre 1944 par les Allemands qui visaient la destruction du réseau ferroviaire liégeois, le dépôt des Archives de l’État à Liège a été touché. Durant l’incendie qui suit, ce sont de nombreux documents d’une importante valeur historique qui furent perdus.
Pour le bilan total des dommages liés à la guerre, on estime que 23,3 % des biens existants avant cette guerre ont été endommagés ou détruits dans toutes les provinces belges. Pendant la guerre, c’est aux Dommages de guerre d'intervenir auprès des victimes. Après l’Armistice, ce sera au Ministère de la Reconstruction de prendre ce rôle.
En raison de l’idéologie de l’occupant, l’antisémitisme nazi, les civils de confession juive deviennent des cibles privilégiées des Allemands. Pour ces citoyens, le fait de survivre prend alors une toute autre dimension : celle d’échapper à la politique antisémite nazie en plus des désagréments quotidiens de l’occupation. Fin mai 1941, les entreprises juives doivent afficher sur leur devanture leur religion. En novembre 1941, les Allemands créent une liste reprenant tous les Juifs de Belgique. Ces derniers reçoivent, suite à cela, une convocation pour le « travail obligatoire », c’est-à-dire un aller simple pour Auschwitz. En mai 1942, le port de l’étoile jaune devient obligatoire.
Cette politique antisémite finit par atteindre son paroxysme lorsque la déportation vers les camps d’extermination s’intensifie. Le 27 juillet 1942, le camp de rassemblement de Malines ou Caserne Dossin ouvre ses portes. Ce camp servait à concentrer les Juifs de Belgique avant de les envoyer dans des camps d’extermination. Ces déportations furent actives entre août 1942 et juillet 1944. Au total, plus de 30 000 personnes habitant la Belgique et le nord de la France furent envoyées vers Auschwitz. Seuls 1650 y reviendront.
*JACQUEMYNS G. et STRUYE P., La Belgique sous l'occupation allemande (1940-1944), éd. J. Gotovitch, Bruxelles, 2002, p. 234.