La libération: difficile retour à la normale
Le 6 juin 1944 a lieu le débarquement de Normandie. La situation qui avait toujours été favorable aux Allemands bascule. Il faut attendre trois mois pour que les Américains et Britanniques arrivent en Belgique. Le 2 septembre, ils rentrent dans le pays. 4 jours plus tard, Bruxelles est libérée.
"Le premier tank américain ! Quel délire ! Quel bonheur ! Quel transport de joie ! (...) On était tous le long de la route à crier notre joie, à les applaudir, à agiter le drapeau américain confectionné en cachette, à leur lancer des fruits frais", raconte Françoise Nève*.
La foule remplit les rues, fait la fête, remercie les Alliés. Durant les mois qui suivent, des cortèges représentant les divers aspects de l’occupation voient le jour. Les Allemands y sont moqués et humiliés. La joie est de nouveau présente dans les rues. Cependant, les semaines qui suivent cette libération ne se passent pas toujours aussi bien que ce que l'on pourrait penser.
De nombreux Belges doivent revenir d’Allemagne. Ils sont au total près de 300.000 à la fin du conflit. Ceux-ci rentrent des camps de concentration, de travail, etc. Certains sont des prisonniers de guerre. C'est au Commissariat belge au Rapatriement, fondé en juin 1944, que revient la tâche de diriger les opérations de rapatriement. Il faut d'abord les retrouver, puis les ramener au pays. Différentes infrastructures sont mises en place pour accueillir au mieux ces Belges exilés.
Le retour en Belgique du père de Jean Wégimont, prisonnier au stalag 1A : "Nous franchissons la frontière (...) Dieu que les coeurs battent ... Que l'émotion est violente (...). Un officier supérieur belge nous fait distribuer un billet de mille francs belges contre un reçu ainsi qu'une coupe de tissu pour nous confectionner, à la maison, un habit correct. Nous recevons aussi un ordre de démobilisation (...) et deux tickets de chemin de fer"*
Une fois l’occupant allemand définitivement parti, une chasse à l’homme débute en Belgique et d’autres pays d’Europe. La violence et la vengeance sont de mise. La population cherche à faire justice soi-même. Des affiches de recherche sont placardées dans les rues. Les collaborateurs sont torturés ou sont battus. Les femmes qui ont eu des relations sexuelles ou professionnelles avec des Allemands sont rasées. Des marches de la honte voient le jour : après la tonte en place publique, ces femmes déambulent à pied sous les cris de la foule. Certains leur crachent dessus, d'autres les insultent, etc. Parfois, des symboles tels que la croix gammée sont dessinés sur leur corps. Ces femmes sont en grande majorité habillées même si le défilement de nues a existé.
Cette justice de rue est assez vite reprise en main par les autorités. Des tribunaux de justice de guerre se mettent en place dès octobre 1944. Cette justice dite militaire pratique jusqu'à 21 conseils de guerre en même temps à son apogée en Belgique. Elle est appliquée jusque dans les années cinquante. Deux procès internationaux ont également lieu dont celui de Nuremberg. Il s’est déroulé du 20 novembre 1945 jusqu'au 1er octobre 1946. 24 hauts dignitaires nazis et 6 organisations sont jugés coupables.
En Belgique, on estime qu’il y a eu pas moins de 52 000 poursuites qui ont abouti à 3000 condamnations à mort. 242 sont réellement exécutés.
Une autre conséquence à souligner est l’éradication des partis d’extrême droite de l’agenda politique. A la suite des élections, le communisme monte au pouvoir pour former un gouvernement d’union nationale. Ceux qui appartiennent à certaines mouvances politiques perdent même leur poste de travail. Le passage des Allemands a favorisé aussi un élément qui nous touche encore de nos jours : le clivage entre les Flamands et les Wallons.
L’économie ne redémarre pas directement. La pénurie étant toujours présente, les prix sont encore en nette expansion.Pour endiguer cela, le gouvernement décide que tous les billets ayant un montant supérieur à 100 francs n’auront plus aucune valeur monétaire. Les comptes d’épargne sont bloqués. Les Belges sont dans une situation des plus précaires. C’est donc toujours une aubaine pour les différents marchés noirs qui existent dans le pays. C’est seulement à la suite de la réouverture du port d’Anvers, le 28 novembre 1944 que la situation s’améliore. Les arrivées alimentaires permettent une stabilisation du commerce. Face à cela, le marché noir ne survit pas. Seule une ressource reste rare pendant de nombreux mois : le charbon, les mines ne produisant rien. Les Belges doivent attendre le mois de février 1945 pour que l’approvisionnement en diverses denrées de première nécessité revienne à la normale.
Malheureusement, la guerre n’est pas pour autant finie. Les Allemands bombardent les villes et font de nombreuses victimes. La réouverture du port à Anvers en est un exemple flagrant. En essayant de le détruire, ceux-ci tuent 3000 personnes, détruisent de nombreuses maisons et lieux publics jusqu’à des salles de cinéma combles. La dernière véritable offensive des Allemands se passe dans les Ardennes durant l’hiver 1944-1945. Il faut attendre la signature de l’Armistice, le 8 mai 1945, pour voir la fin du conflit de la Seconde Guerre mondiale en Europe.
*DEBLANDER Bruno, MONAUX Louise et COSTELLE Daniel, Apocalypse en Belgique: 1940-1945: témoignages inédits, Bruxelles, Racine, 2010, p. 137 et 154.