Le rêve de Léopold II
Bien avant de monter sur le trône, Léopold II rêve d’une colonie pour développer le commerce de la Belgique en lui donnant accès à des matières premières qu’elle ne possède pas. Sa première idée est de racheter les Philippines à l’Espagne : cette dernière refuse. Il finance alors les expéditions de l’anglais Henry Morton Stanley le long du fleuve Congo à partir de 1876. Ces années voient la création par le Roi Léopold II de deux associations internationales, l’une présentant un objectif humanitaire – Association internationale africaine, 1878 – et l’autre poursuivant des buts économiques – Association internationale du Congo, 1879. Les expéditions de Stanley comme les deux associations permettent au roi belge de développer son influence dans la région. Lors de la conférence de Berlin entre novembre 1884 et février 1885, organisée par le chancelier allemand, Otto von Bismarck, en vue du partage de l’Afrique entre les grandes puissances, Léopold II reçoit, à titre personnel, un vaste territoire au cœur du continent : l’État Indépendant du Congo.
La fondation de l’État Indépendant du Congo
L’État Indépendant du Congo (EIC) est fondé en 1885. Ce territoire d’une superficie de deux millions et demi de kilomètres carrés sur lequel Léopold II exerce sa souveraineté lui appartient en propre : le gouvernement belge considère ce projet comme l’aventure personnelle du souverain et ne s’y implique pas. La prise de contrôle du territoire se fait par l’installation de postes militaires le long des routes et des chemins de fer construits sur le territoire. Pour ce faire, le gouvernement colonial au Congo utilise son armée privée, la Force Publique. Celle-ci est formée de déclassés de la société belge et de mercenaires étrangers. La colonie permet, en effet, à de nombreuses personnes de faire carrière dans l’armée de même que dans son administration.
Une colonisation surtout économique
La colonisation du Congo commence par une grande vague d’expropriations. Près de 95% des terres congolaises passent aux mains de l’EIC qui lance un système de concessions. Des entreprises privées y achètent des terres ; toutefois, Léopold II et l’EIC conservent des parts en tant qu’actionnaires. Ces concessions garantissent la récolte de fonds afin de réaliser des investissements d’exploitation et de rentabiliser le projet colonial. Dans un premier temps, ce dernier fut financé par la richesse personnelle du Roi qui, recherchant des bénéfices à court terme, fut contraint d’emprunter de l’argent à l’État belge.
Grâce au système des concessions, de grandes compagnies à charte (ou concession écrite d’un gouvernement) possédant des territoires immenses développent leurs activités d’exploitation et de commerce. Telle la compagnie minière du Katanga, qui possède ce territoire pour 99 ans et bénéficie d’importants privilèges. Ce système peu réglementé est de plus en plus vivement critiqué comme favorisant une forme de capitalisme menant à des traitements cruels sur les indigènes comme le portage forcé ou les mains coupées. Une telle vision à court terme de l’économie congolaise, orientée sur le profit et l’exploitation des matières premières, néglige le développement de l’agriculture, épuise le territoire et entraine une forte diminution de la population locale.
Le rôle des missions religieuses
Les congrégations religieuses, et plus particulièrement les Jésuites, constituent un autre grand acteur de la colonisation du Congo. Elles souhaitent propager la foi catholique par l’éducation : le système des fermes-chapelles situées dans des territoires fertiles à proximité de plusieurs villages vise à la fois à évangéliser les populations et à cultiver la région. Léopold II confie cette activité d’évangélisation exclusivement à des missionnaires belges ; en outre, il favorise les catholiques par rapport aux protestants. L’évangélisation est un moyen de promouvoir le projet de colonisation de l’EIC auprès des populations locales en civilisant les jeunes Congolais ; en Belgique, elle permet de dissiper la méfiance du gouvernement catholique par rapport à ce projet.
Toutefois, les Jésuites se voient critiqués pour leurs méthodes d’éducation. Le rapport d’une commission d’enquête belge en novembre 1905 dénonce le recrutement d’enfants enlevés à leur famille, alors que la loi prévoit seulement l’éducation des orphelins. Les Jésuites maintiennent ces enfants sous leur tutelle sans leur permettre de se marier, ni de retourner dans leur village ou de posséder quoi que ce soit.