L'enfant-machine, un engrenage indispensable du système
Préambule
Le travail des enfants n'est pas une particularité de l'époque contemporaine. Bien auparavant, ils étaient déjà mobilisés pour effectuer diverses tâches manuelles. Jusqu'au XVIIIe siècle, les enfants travaillent à la ferme, en atelier, sur les marchés ou aident au remplissage des tâches domestiques. En conséquence, le « travail des enfants » concerne les multiples domaines où l’enfance se trouve en situation de travail, dont les plus répandus sont l’industrie et l’artisanat
C'est avec la révolution industrielle que la nature de ce travail des enfants connait un profond changement. En effet, de nouvelles formes de travail se développent et vont de pair avec la mécanisation même si dans les régions rurales le travail agricole continue à solliciter de nombreux enfants.
Pendant longtemps, un décret napoléonien daté de 1813 constitue le seul cadre légal sur ce sujet en Belgique. Il interdit le travail des enfants de moins de 10 ans au fond des mines. Cependant, faute de surveillance et de contrôle, les limitations introduites par ce décret sont largement ignorées dans une grande partie des mines.
Le XIXe siècle est aussi marqué par l'apparition d'un nouveau procédé photographique. Ainsi, de nombreuses photographies d’époque dépeignent des groupes d’ouvriers : on peut y voir hommes, femmes et enfants. Tout le monde travaille, y compris les plus jeunes. Il s'agit d'une source primaire importante de nos jours pour se rendre compte de l'ampleur du travail des enfants.
Les effets de l'industrialisation
Au XIXe siècle, la révolution industrielle constitue un phénomène majeur à l'échelle mondiale. Émergeant d’abord en Angleterre, elle se propage ensuite vers la France, la Belgique et s’étend partout en Europe.
Le continent européen passe d’une économie de subsistance à une économie moderne de consommation. Le travail en soi est bouleversé par la mécanisation et l'introduction du travail à la chaîne : le travail nécessite moins de connaissances et favorise ainsi l'utilisation des enfants comme main d'oeuvre. Une petite élite s’enrichit tandis que la masse s’appauvrit.
Attirée par le travail et l’économie florissante, une classe ouvrière émerge et s’installe dans les villes à proximité des usines. La misère et les mauvaises conditions de travail font aussi partie des conséquences de la révolution industrielle.
Pourquoi faire travailler les enfants ?
- Le manque de main d’œuvre : malgré une explosion démographique, la demande insatiable d’ouvriers ne s’arrête pas : hommes, femmes et enfants sont mis à contribution pour une production toujours plus importante.
- Contribution à l'économie familiale : la misère des familles rend le salaire des enfants dérisoire et indispensable pour la survie de la famille. Les disparités salariales sont importantes suivant l’âge, le sexe, et le type de tâche. Ainsi, une femme gagne la moitié du salaire d’un homme. Un enfant environ le quart.
- L’appât du gain : face à la concurrence accrue, autant au niveau national qu’international, le patronat engage surtout des enfants avec des salaires réduits pour baisser les coûts de production et exercer une pression sur le salaire des adultes.
- L’avantage de leur morphologie : par leur petite taille et leur agilité, les enfants parviennet à se glisser entre les rouages des machines, de rattacher les fils d’un métier à tisser, de trainer les chariots dans les houillères. L’enfant est donc aux yeux du patronat une main-d’œuvre particulièrement précieuse.
- Abscence de toute protection sociale : il n'y a presque aucun cadre légal qui est appliqué afin de protèger les enfants de l'exploitation abusive.
Il s'agit d'un véritable système d'exploitation presque impossible à remettre en cause et laissant les familles dans une grande situation de précarité.
C'est d'ailleurs en Angleterre que des écrivains comme John C. Cobden publieront des monographies qui mettent en évidence cette exploitation totale de la classe ouvrière :
« [...] Or, comme il est impossible de rendre ces mines aptes au travail des êtres humains, elles ne seront jamais placées dans un tel état, et, par conséquent, elles ne pourront jamais être exploitées sans cet esclavage des enfants ! »(Extrait traduit en français depuis la version originale anglaise de l'ouvrage de John C. Cobden, The White Slaves of England, p. 30)
Les enfants ne peuvent pas s'échapper de cette structure et l'ascension sociale est inexistante. Nés dans une famille ouvrière, ils sont forcés dès le plus jeune âge à rentrer dans le système, et suivre le destin de leurs parents.