Les prémisses de la controverse : les réactions contre l'exploitation

L'exploitation des "Indiens" va susciter des critiques. Celles-ci proviennent en premier lieu de l’Église. En effet, en 1511, le père franciscain Cordoba dénonce ce système dans un sermon prononcé dans la cathédrale de Saint-Domingue. La même année, le sermon du père dominicain, Antonio de Montesinos, y participe aussi. Il peut être perçu comme radical, car il met en doute la légitimité de la domination espagnole sur les "Indiens" à partir du droit, de la condamnation du non-respect des engagements des encomenderos à l'égard des autochtones (bons traitements, évangélisations, etc.) et de la cupidité des colons. Il en résulte un refus d’accorder l’absolution des titulaires de repartimientos. Cette action met la Couronne espagnole dans une mauvaise posture.

Une vingtaine d’années après, en 1537, le pape Paul III condamne l’esclavage des "Indiens" dans sa bulle pontificaleSublimis Deus, puis dans une lettre, Veritas ipsa.

« [...] L'Ennemi du genre humain, qui s'oppose à toutes les bonnes actions en vue de mener les hommes à leur perte, voyant et enviant cela, inventa un moyen nouveau par lequel il pourrait entraver la prédication de la parole de Dieu pour le salut des peuples: Il inspira ses auxiliaires qui, pour lui plaire, n'ont pas hésité à publier à l'étranger que les Indiens de l'Occident et du Sud, et d'autres peuples dont Nous avons eu récemment connaissance, devraient être traités comme des bêtes de somme créées pour nous servir, prétendant qu'ils sont incapables de recevoir la Foi Catholique. […] »

(Extrait de la bulle pontificale Sublimis Deus, 1537)

Mais l’Église n’est pas la seule à émettre des accusations. Les princes réagissent également, surtout à la suite des critiques de l’Église. Isabelle la Catholique a, quant à elle, une attitude ambiguë. Au début, même si elle s’indigne de l'exploitation et des pratiques des premiers conquistadors, elle envoie tout de même des "Indiens" aux galères pour servir la flotte royale. De plus, aucun de ses textes ou de ceux de son époux, Ferdinand d’Aragon, ne condamne officiellement l’esclavage. Il faut attendre Charles Quint pour observer une telle condamnation. Il promulgue deux séries de lois dont l’objectif est de protéger les "Indiens" et de légiférer sur leur cohabitation avec les Espagnols. Les premières, les Leyes de Burgos, sont promulguées en 1512 et les secondes, les Leyes novas, le sont en 1542. 

Les Leyes de Burgos reconnaissent le système colonial et la mise en place d’un système d'acculturation des "Indiens" basé sur l’évangélisation des autochtones et l'instauration d'un cadre politique, économique et social visant à limiter les abus. Les Leyes novas sont, elles, promulguées sous l’initiative des idées de Bartolomé de Las Casas (nous y reviendrons). Elles poursuivent la politique d'arrêt des concessions de nouvelles distributions d’encomiendas et entérinent celles existantes. Cependant, ces deux lois sont rarement appliquées dans la pratique. Ainsi, malgré ces initiatives, l’exploitation des "Indiens" et ses effets collatéraux ne s’interrompent pas.

À la suite de ces actions manquées, trois personnes décident d’organiser un débat appelé la controverse de Valladolid : Charles Quint (1500-1558), roi des Espagnes et de son empire colonial, le pape Paul III (1534-1549) et son successeur Jules III (1550-1555).

Les prémisses de la controverse : les réactions contre l'exploitation