« Je disais, pour appuyer cette proposition, à savoir qu'en fait, comme on le dit, la politique d'expansion coloniale est un système politique et économique, je disais qu'on pouvait rattacher ce système à trois ordres d'idées ; à des idées économiques, à des idées de civilisation de la plus haute portée et à des idées d'ordre politique et patriotique.
Sur le terrain économique, je me suis permis de placer devant vous, en les appuyant de quelques chiffres, les considérations qui justifient la politique d'expansion coloniale au point de vue de ce besoin de plus en plus impérieusement senti par les populations industrielles de l'Europe et particulièrement de notre riche et laborieux pays de France, le besoin de débouchés.
[…]
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures... (Rumeurs sur plusieurs bancs à l'extrême gauche.)
Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... (Marques d'approbation sur les mêmes bancs à gauche - Nouvelles interruptions à l'extrême gauche et à droite.)
[…]
Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation.
Il est ensuite arrivé à un troisième, plus délicat, plus grave, et sur lequel je vous demande la permission de m'expliquer en toute franchise. C'est le côté politique de la question.
[…] Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l'activité qu'elles développent ; ce n'est pas « par le rayonnement des institutions » ... (Interruptions à gauche et à droite) qu'elles sont grandes, à l'heure qu'il est.
Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l'écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure, toute expansion vers l'Afrique ou vers l'Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien, c'est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c'est descendre du premier rang au troisième ou au quatrième. (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs. - Très bien ! très bien ! au centre.) Je ne puis pas, messieurs, et personne, j'imagine, ne peut envisager une pareille destinée pour notre pays. »
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Jules FERRY, “Extrait du discours de Jules Ferry :" Les fondements de la politique coloniale (28 juillet 1885)" publié dans le "Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso" (Discours politique)”, Libre de droits (Clio2web, https://clio2web.uclouvain.be/items/show/9503, consulté le 24 novembre 2024).